Le toucher, pour parler au coeur
« Si vous saviez comment la peau est profonde. Oui, cela dépend comme on la caresse. Il y a des personnes qui vous effleurent comme une écorce et d’autres qui vous remuent jusqu’à la sève. Il y a des mains qui vous chosifient, vous bestialisent, et il y a des mains qui vous apaisent, vous guérissent, et quelquefois même vous divinisent. » Paul Valéry
Je souhaite ici parler du toucher accueillant, bienveillant, respectueux, sécurisant, contenant, honorant, un toucher qui doit s’accompagner d’une qualité de présence. Un toucher qui soutient la vie, un toucher qui restaure l’aptitude à toucher du regard et donner aux gestes un palper sensible et incarné.
L’importance du toucher
Le toucher, vous pouvez l’aimer ou le rejeter, mais vous ne pouvez pas y échapper! Le corps est tactile: avec son réseau de fibres nerveuses, il est fait pour le toucher et par le toucher tactile, le corps s’éveille. Présent dans toutes les activités humaines, de la naissance à la mort, dans tous les milieux et dans tous les domaines de la vie, familial, professionnel, social, intime, le toucher est partout et concerne tout le monde. Être touché est un besoin essentiel et existentiel pour le bien-être, la santé et s’avère tout simplement crucial pour la survie. Hors, il semble que cette nécessité soit de moins en moins présente dans nos sociétés modernes, notamment avec le développement des nouvelles technologies.
Le toucher aussi appelé ‘tact’ ou ‘taction’ est le premier des cinq sens à se développer chez le fœtus (de la 6ème à la 9ème semaine de gestation) et c’est aussi le dernier à s’éteindre à notre mort. Le toucher est le sens par lequel nous recevons les informations. Ce sens haptique permet notamment de mieux connecter la vision et l’audition. C’est le sens de la relation, on ne peut pas toucher sans être touché. Les contacts tactiles occupent une place importante dans l’élaboration des premières enveloppes du moi, tant physique que psychique.
Le toucher de la peau donne donc de la conscience à la matière du corps et le corps ne peut se développer sans le toucher. Un enfant non touché ne peut pas entrer dans la conscience de son incarnation et développer ses ressources pour grandir. En effet, dans ses premières semaines, le bébé, pour survivre, n’a pas d’autres alternatives que de coller, adhérer. Être tenu dans les bras de la mère, permet ainsi d’acquérir une toute première identité, une identité adhésive, un toucher vécu comme une protection contre le risque d’une « fin mortelle ». Puis, dans sa dimension évolutive issue de la découverte et de l’apprentissage de l’enfant, le toucher permet de rencontrer et de comprendre.
C’est l’une des premières nourriture du corps, le toucher est un besoin, une nécessité capitale au même titre que respirer, manger, boire, dormir. Et lorsque notre besoin de contact n’est pas satisfait, notre peau nous le fait savoir par diverses manifestations et somatisations. Beaucoup de douleurs du cou, du dos, de spasmes de l’estomac, du côlon, de migraines… sont l’expression d’un manque de contacts, de caresses. Le fait d’être touché a des effets bénéfiques immédiat mais aussi prolongés.
Le toucher un art?
« Chaque fois que tact et contact en retour acquièrent la justesse d’une note chantée au plus juste, le toucher devient une création: cela lui donne un caractère d’unicité, vécu comme un avènement. » Josy-Jeanne Chedighian-Courier
Pour moi, le toucher relève de la présence. Le massage me permet de pratiquer la profondeur du toucher et du cœur, quelque chose qui va au-delà de la compréhension et du savoir, la capacité d’être présent et de rester dans cette présence. Aller en dessous, au-delà de la pensée afin de permettre la relation par la résonance, la vibration interne. Se laisser venir habiter par le toucher, par sa réponse et apprivoiser la dimension vibratoire. Je cherche l’accordage avec le corps de l’autre et par le point de rencontre, je laisse couler. J’écoute comment se fait ce point de rencontre, comment est-ce que ça circule pour suivre ce qui se passe dans tout le corps. Je peux ainsi moduler mon toucher et sa qualité en fonction du corps de la personne et de son besoin.
Alors oui, le toucher peut s’affiner et la perception s’éduquer. Questionner la peau, les muscles, les os, les organes, se poser, écouter, apprivoiser, s’accorder, écouter encore et encore, les mains deviennent de plus en plus réceptives. Et comme dans une aptitude à capter l’impalpable, elles laissent couler une réponse apaisante, structurante voire guérissante, permettant à l’autre de mieux accueillir, comme pour participer à la construction d’un nouveau sens dans un toucher insufflant un nouveau souffle de vie au corps.
« Le toucher devient art quand la main accueille et reste ouverte sans intention de saisir, de capter, de posséder. Cette présence libre «à laisser toucher et toucher», à ce va-et-vient énergétique, à ce transfert et contre transfert organique, psychique et émotionnel, invite à la connexion, à l’unification. Véritable espace de réanimation, l’Art du toucher se présente comme un support, une voie offrant aux vivants la possibilité de contacter leur vie. » R. Daulin
Le toucher, un calmant naturel pour le cœur
Le toucher physique par le biais du toucher massage, du toucher « thérapeutique » peut permettre l’accès à l’expression verbale quand celle-ci est bloquée, ouvrant alors à la compréhension d’une prise en charge de l’unicité corps-esprit.
La présence et la façon par laquelle vous êtes touché, stimule les pouvoirs auto-guérisseur de votre cœur. Pratiquer le toucher est une façon de développer la capacité d’ouverture vis à vis du corps et de l’esprit d’une personne et de soi-même. Quand nous touchons l’autre d’une façon qui la rejoint, cela montre que nous sommes ouvert à la présence acceptante de nos cœurs. Étant donné que le contact corporel touche directement à notre histoire personnelle au plus profond, le consentement à être touché peut être propice tout aussi bien à l’émerveillement, à la surprise qu’au rejet. Aussi, certaines personnes pourraient avoir besoin de plus de patience et de persévérance pour laisser place à la perception de nouvelles nuances. Le toucher s’expérimente, il éduque mais pour se rencontrer, se comprendre, se trouver, toucher et être touché devient un passage obligé.
Plus le corps est exercé au toucher et plus sa sensibilité et sa conscience augmente, développant les perceptions, c’est-à-dire la capacité de voir au travers, conduisant au toucher intérieur; celui du toucher au cœur de l’être, relié à toute la profondeur de ses sens et de ses sensations. Un toucher plus subtil, palpable de façon vibratoire. La vibration est le produit du toucher, le corps vibre au toucher. D’un point de vue scientifique, la vibration est onde et particule, l’espace de rencontre de la matière et de l’immatière, la résonance corps-esprit. Touché au cœur pour mieux percevoir l’invisible de la relation et sa conscience dans le corps, un toucher qui relie à la profondeur du soi et qui procure la sensation de se retrouver unité corps-esprit, voire coeur-corps-esprit.
Pouvoir du toucher, ses bienfaits
Vous l’aurez donc compris, le toucher nourrit une partie essentielle de nous, de notre émotionnel. Le pouvoir du toucher est nécessaire au bien-être de l’âme humaine. Il guérit, renforce et comble les besoins émotionnels et physiques. Le toucher est une façon essentielle et naturelle de communiquer, il invite l’échange. Toucher c’est se relier, toucher c’est réconforter. Je le répète que nous aimions ou pas, nous avons besoin de contact. Toucher c’est ramener des valeurs, amener l’unité entre le corps et la manière d’être, entre le corps et l’émotionnel. La peau a besoin d’être stimulée pour vivre mieux. Il est démontré que le contact de deux épidermes provoquent des changements hormonaux (production de sérotonine et d’ocytocine, baisse de production de cortisol) tout en stimulant le système parasympathique, générateur d’émotions positives. Le contact de la peau est donc indispensable à notre bon fonctionnement et à notre bonheur.
Le toucher active ainsi la bonne humeur, chasse la tristesse, relance la joie de vivre, restaure l’énergie psychique: c’est un thymoanaleptique. Le toucher c’est l’amour de l’esprit qui passe dans la matière. Et le massage vise à réhabiliter ce sens du toucher pour un développement des potentialités de la personne. En effet, au delà de l’aspect détente, récupération, voire prévention, le massage peut permettre une plus grande ouverture aux ressentis corporels et développer une conscience plus précise du corps. Le massage touche l’être bien au-delà de la peau, des muscles, des organes pour l’atteindre dans sa totalité, dans son unification.
Le toucher massage, un atout santé
Le toucher à travers le massage permet de percevoir ce qui peut changer en nous et donne de nombreuses facultés telles que:
- accéder à une détente plus profonde
- apprendre à vivre l’instant « ici et maintenant »
- prévenir, adoucir voire traiter certaines douleurs
- diminuer l’angoisse et améliorer le système immunitaire
- augmenter le seuil de tolérance à la douleur
- améliorer l’image, le regard que l’on porte sur son corps et la capacité d’adaptation
- développer une prise de conscience de sa propre valeur
- promouvoir l’amour de soi
- acquérir une meilleure confiance en soi
- mieux connaître son corps et l’habiter avec plaisir
- permettre une meilleure communication avec les autres et avec soi
- acquérir une meilleure qualité de la sensation tactile
- sentir la consistance et les limites du corps
- apprendre à connaître et à reconnaître ses propres besoins
- rétablir l’unité de la personne
- diminuer l’agressivité et favoriser la régulation des émotions
- éveiller la créativité
Ouverture du cœur, sentiment de bien-être et de joie profonde, expansion de la conscience, voilà ce que peut être le massage. Alors vivez l’élan des mains! D’une simple poignée de main ou une main sur une épaule, à une franche accolade ou free hug, multipliez les stimulations positives afin de créer un véritable bain sensoriel et laissez vous toucher par la joie, la grâce ou tout autre vérité intérieure.
©Elvie Gonthier